Simandou : un accélérateur de développement territorial et national – Les opportunités structurelles d’un projet minier hors-norme, par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi

Simandou : un accélérateur de développement territorial et national – Les opportunités structurelles d’un projet minier hors-norme, par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi

Simandou : un accélérateur de développement territorial et national – Les opportunités structurelles d’un projet minier hors-norme
Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, expert en Durabilité, Investissements et Influences à impacts

Le projet Simandou, souvent décrit comme « le gisement du siècle », dépasse largement sa dimension minière. Situé en Guinée dans la chaîne montagneuse du même nom, il abrite l’un des plus grands gisements de minerai de fer de haute teneur encore inexploités au monde. Longtemps enlisé dans des enjeux géopolitiques, financiers et opérationnels, le projet entre désormais dans une phase décisive. Mais ce qui se joue va bien au-delà de l’extraction : Simandou représente une opportunité historique de transformation économique, territoriale et logistique pour la Guinée. Encore faut-il que ces opportunités se convertissent en bénéfices réels, durables et inclusifs pour le pays et les populations.

UN EFFECTEUR DE TRANSFORMATION TERRITORIALE
Simandou redessine littéralement la carte de la Guinée. Le projet prévoit la construction de plus de 600 km de chemin de fer transguinéen reliant les zones minières enclavées au futur port minéralier de Morébaya. Cette infrastructure, inédite dans l’histoire du pays, change l’échelle du territoire. Pour la première fois, un corridor ferroviaire structurant traverse l’intérieur du pays, ouvrant la voie à des usages multi-secteurs : transport de marchandises, logistique agricole, mobilité des populations, connexions inter-régionales. Cette dorsale ferroviaire pourrait devenir l’épine dorsale de l’intégration économique nationale, à condition d’une gouvernance transparente et de mécanismes d’accès pour les autres secteurs.

Le port de Morébaya constitue également un catalyseur de croissance territoriale. Au-delà du minerai de fer, c’est tout un écosystème industriel et logistique qui peut émerger : zones économiques spéciales, services portuaires, nouvelle chaîne de valeur autour du transport maritime et des services aux entreprises. Pour une économie longtemps tournée vers la rente, cette diversification potentielle représente un tournant stratégique.

UN IMPACT SOCIO-ÉCONOMIQUE MULTIPLICATEUR
Les retombées économiques directes du projet sont considérables : plusieurs milliards d’investissements, des milliers d’emplois directs et indirects, un potentiel inédit de recettes fiscales et parafiscales, et une stimulation significative de la demande locale (BTP, services, énergie, alimentation, transport). Mais l’enjeu principal se situe ailleurs : Simandou peut servir de fondation à une restructuration économique à long terme. Les travaux induits — construction routière, infrastructures énergétiques, systèmes hydrauliques — irriguent tout le tissu socio-économique local et renforcent l’attractivité de régions jusqu’alors marginalisées.

L’effet d’entraînement sur les filières locales est particulièrement stratégique. Les programmes de contenu local associés au projet, encore en consolidation, pourraient structurer des centaines de PME guinéennes autour d’activités nouvelles : sous-traitance industrielle, services techniques, maintenance, ingénierie, agro-logistique. Si la montée en compétences est soutenue par des mécanismes solides de formation professionnelle, Simandou peut devenir une école d’industrialisation pour la Guinée.

UNE OPPORTUNITÉ DE RÉINVENTER LA GOUVERNANCE MINIÈRE
Le développement du projet constitue un test de vérité pour la gouvernance minière guinéenne. Trois éléments majeurs s’imposent : la transparence, la contractualisation équilibrée et la redistribution équitable. La transparence est indispensable pour éviter les écueils historiques liés à l’opacité des contrats mini-portuaires. La contractualisation doit intégrer des mécanismes robustes de conformité ESG, de gestion des risques et de suivi indépendant des engagements. Quant à la redistribution, elle doit être pensée à la fois pour l’État central et les collectivités locales, avec une attention particulière aux zones d’impact.

Cette gouvernance conditionne directement la capacité du projet à générer de la valeur durable. Simandou peut devenir un modèle africain d’exploitation minière responsable — ou reproduire les erreurs du passé si les exigences de redevabilité ne sont pas respectées.

UN LEVIER POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET L’INDUSTRIALISATION
Le minerai de fer de haute teneur produit à Simandou intéresse particulièrement les marchés internationaux engagés dans la décarbonation de la sidérurgie. À l’heure où les grandes économies cherchent à réduire l’empreinte carbone de leurs chaînes de valeur industrielles, la Guinée peut se positionner comme un fournisseur stratégique de minerais premium compatibles avec l’acier « vert ». Cette dynamique offre de nouvelles marges de négociation pour le pays sur les futures redevances, sur les partenariats industriels et sur les investissements en énergie.

D’autre part, les besoins énergétiques considérables du projet ouvrent une fenêtre d’opportunité pour des investissements structurants dans l’hydroélectricité, le solaire et les réseaux de distribution. Simandou peut devenir un catalyseur pour l’électrification du pays si les infrastructures énergétiques sont dimensionnées non pas uniquement pour le site minier, mais pour l’économie nationale.

UNE CERTE TRANSFORMATION, MAIS SOUS CONDITIONS
Pour que Simandou devienne un moteur de développement national, plusieurs conditions doivent être réunies : une gouvernance contractuelle solide, une redistribution transparente, une gestion fine des impacts sociaux et environnementaux, une stratégie claire de montée en compétences, et une articulation cohérente entre infrastructures minières et infrastructures nationales. Le risque, à défaut, serait une infrastructure « mono-usage » — un corridor logistique réservé à l’industrie minière sans véritable bénéfice transversal.

CONCLUSION : UNE OCCASION HISTORIQUE À NE PAS MANQUER
Simandou n’est pas seulement un projet minier : il est un projet de pays. Avec une vision stratégique, une gouvernance renforcée et une exigence réelle en matière de durabilité, la Guinée peut transformer Simandou en une plateforme de prospérité territoriale, de diversification économique et d’intégration nationale. Rares sont les moments où un pays peut, à ce point, changer d’échelle. Simandou en est un. Il ne doit pas être manqué.

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