
DISCOURS D’OUVERTURE AU FORUM DE L’OCDE ET L’UNION AFRICAINE – FINANCER LES INFRASTRUCTURES DE L’AFRIQUE : PRIORITÉS ET VOIES À SUIVRE, de S.E. Ismael NABE, Ministre de la Planification et de la Coopération Internationale de Guinée
DISCOURS D’OUVERTURE AU 24ÈME FORUM ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL SUR L’AFRIQUE DE L’OCDE ET L’UNION AFRICAINE – FINANCER LES INFRASTRUCTURES DE L’AFRIQUE : PRIORITÉS ET VOIES À SUIVRE, de S.E. Ismael NABE, Ministre de la Planification et de la Coopération Internationale de Guinée
« Excellences,
Distingués Représentants du Centre de Développement de l’OCDE et de la Commission de l’Union Africaine,
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand honneur de prendre la parole devant cette assemblée de haut rang, à un moment où le monde recherche des voies crédibles vers une prospérité partagée, un développement durable et une croissance résiliente.
Le thème de cette Session — « Financer les infrastructures de l’Afrique : Priorités et Voies d’avenir » — touche au cœur même de la transformation économique du continent.
L’infrastructure est l’épine dorsale du développement.
Elle est la base sur laquelle la productivité se déploie, le commerce s’accélère et les sociétés évoluent. Aujourd’hui, l’Afrique se tient à un carrefour décisif :
* soit nous poursuivons des progrès incrémentaux, au risque d’être distancés ;
* soit nous investissons résolument dans des infrastructures stratégiques et à fort impact, capables de libérer la renaissance économique tant attendue du continent.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
L’Afrique fait face à un double défi :
a) un déficit annuel de financement des infrastructures estimé entre 100 et 170 milliards de dollars
b) une demande croissante pour des infrastructures résilientes, vertes et inclusives.
Selon l’OCDE, investir 155 milliards de dollars par an dans les infrastructures africaines pourrait accroître le taux de croissance du PIB du continent de 4,5 points de pourcentage par an, et potentiellement doubler le PIB africain d’ici 2040. Ce n’est pas seulement une projection. C’est une opportunité.
Une possibilité. Une voie d’avenir.
Il nous faut reconnaître les réalités suivantes :
* Beaucoup de pays africains sortent d’épisodes de surendettement ;
* Le capital est de plus en plus coûteux ;
* Les financements concessionnels se raréfient.
Pourtant, l’Afrique ne reste pas inactive. Le continent innove, forge des alliances et porte des visions transformationnelles — telles que la ZLECAf, l’Agenda 2063, et de nombreux corridors de développement pilotés par les États.
Mais pour que l’Afrique s’intègre pleinement dans l’économie mondiale, pour qu’elle devienne un pôle compétitif de production, de transition énergétique et d’innovation numérique, l’infrastructure doit être notre priorité collective.
Permettez-moi de partager l’expérience de la République de Guinée — une nation dotée d’un immense potentiel naturel et désormais engagée dans une nouvelle ère de transformation structurelle.
Sous la conduite du Président de la République, Son Excellence le Général Mamadi Doumbouya, la Guinée a lancé le Programme Simandou 2040, l’une des stratégies de développement à long terme les plus ambitieuses d’Afrique.
Au cœur de cette vision se trouve le Projet Simandou — le plus grand projet intégré minier, industriel et infrastructurel en Afrique aujourd’hui. Il comprend 650 km de chemin de fer transguinéen, un port en eau profonde, plusieurs zones économiques spéciales multisectorielles et le potentiel de catalyser une nouvelle base industrielle en Afrique de l’Ouest. Simandou est plus qu’un projet minier. C’est un corridor de développement, un corridor commercial, un corridor d’intégration — un exemple parfait de la manière dont une infrastructure stratégique peut redessiner l’avenir économique d’une nation.
Mais les ambitions de la Guinée dépassent largement Simandou. Nous mobilisons des capitaux dans :
* Les corridors d’énergies renouvelables (hydro, solaire, mini-réseaux)
* La modernisation des transports
* La fibre et les infrastructures numériques
* Les zones de transformation agricole
* Les plateformes logistiques et commerciales
* Les systèmes urbains résilients au climat
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Pour libérer tout le potentiel de l’Afrique, nous avons besoin d’une nouvelle architecture de financement, adaptée aux réalités des économies émergentes et capable de mobiliser le capital à grande échelle.
1. Premièrement, une concessionnalité à la hauteur des ambitions africaines
L’Afrique ne peut transformer son économie avec des financements aux conditions de marché. La finance mixte, les garanties et les mécanismes de partage des risques doivent devenir centraux.
2. Deuxièmement, un alignement du capital mondial sur les corridors stratégiques africains. Les infrastructures doivent être priorisées en fonction de leur potentiel multiplicateur : création d’emplois, intégration régionale, compétitivité.
3. Troisièmement, une révision des classifications de risque appliquées aux pays africains
Permettez-moi ici d’être clair, explicite et constructif.
Pour la Guinée, la classification actuelle du risque-pays par l’OCDE (Groupe 7 — le niveau le plus élevé) ne reflète pas pleinement :
* Les profondes réformes macroéconomiques engagées,
* La stabilisation budgétaire,
* Les réformes de gouvernance,
* Les investissements stratégiques dans les infrastructures productives,
* La vision crédible et cohérente portée par Simandou 2040, appuyée par des partenaires internationaux.
U
n reclassement de Groupe 7 à Groupe 5 aurait des bénéfices considérables:
* Baisse du coût du capital,
* Accès élargi aux crédits à l’exportation
* Plus grande appétence des investisseurs
* Accélération des projets régionaux majeurs
* Renforcement de l’espace économique en Afrique de l’Ouest.
Mais surtout : il reflétera la réalité de la transformation guinéenne.
Une telle reclassification ne serait pas un geste politique. Ce serait une reconnaissance des faits. Un reflet des progrès réalisés. Un catalyseur pour la Guinée en tant que nouvelle frontière du développement.
Aujourd’hui, devant cette auguste assemblée, j’invite respectueusement et solennellement l’OCDE à réexaminer la classification de la Guinée, en étroite collaboration avec nos institutions et nos partenaires. Cette révision permettrait de mobiliser du capital à grande échelle — et est en parfaite adéquation avec la mission de l’OCDE en matière de développement, de stabilité et d’intégration économique. L’impact sera transformateur, pas seulement pour la Guinée mais pour l’intégration régionale à travers toute l’Afrique de l’Ouest.
Mesdames et Messieurs,
L’Afrique ne demande pas la charité. L’Afrique demande un capital équitable, des partenariats stratégiques et une architecture de financement qui libère la valeur au lieu de limiter l’ambition. Car lorsque l’Afrique construit ses infrastructures, c’est
le monde entier qui en bénéficie :
* Chaînes de valeur mondiales plus résilientes
* Transition énergétique plus crédible
* Industrialisation verte rendue possible
* Expansion des marchés numériques
* Croissance mondiale plus inclusive
Investir dans les infrastructures africaines n’est pas un devoir africain.
C’est une opportunité mondiale. Une responsabilité partagée.
Et un choix économique avisé.
L’Afrique se lève. L’Afrique innove. L’Afrique est prête.
Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’alignement entre les visions africaines, les partenaires de développement, les investisseurs mondiaux et des institutions telles que l’OCDE. Choisissons l’infrastructure comme le pont entre l’Afrique et le monde. Choisissons l’ambition plutôt que l’hésitation.
Choisissons la transformation plutôt que la stagnation.
Construisons — ensemble — un continent dont les infrastructures seront à la hauteur de son peuple, de son potentiel et de son avenir.
La Guinée est prête — avec vision, avec réformes, et avec détermination — à être un pilier central de cette transformation.
Je vous remercie. »



