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« Numérique et mines africaines : vers une gouvernance ESG augmentée » Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, conseil en durabilité, Vigilance ESG & Impacts RSE

« Numérique et mines africaines : vers une gouvernance ESG augmentée » Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, conseil en durabilité, Vigilance ESG & Impacts RSE

« Numérique et mines africaines : vers une gouvernance ESG augmentée »
Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, conseil en durabilité, Vigilance ESG & Impacts RSE

L’Afrique se trouve au cœur de la transition énergétique mondiale. Ses sous-sols recèlent les minerais stratégiques indispensables aux technologies vertes — cobalt, cuivre, lithium, coltan. Pourtant, ce potentiel se déploie dans un contexte de vulnérabilité environnementale et sociale extrême : déforestation, pollutions, fragilisation des communautés, chaînes d’approvisionnement opaques. Le numérique, s’il est bien gouverné, peut devenir le chaînon manquant entre exploitation minière et durabilité.

Des risques ESG persistants
Les défis sont bien identifiés : perte de biodiversité autour des concessions, contamination des cours d’eau, accidents liés aux résidus miniers, violation des droits des communautés, absence de consentement libre, préalable et éclairé (CLPE). À cela s’ajoute une gouvernance souvent déficiente : chaînes d’approvisionnement fragmentées, artisanal mining (ASM) non formalisé, et flux transfrontaliers parfois captés par des groupes armés. Ces réalités fragilisent la légitimité sociale et la bancabilité des projets miniers.

Le numérique comme levier de transparence et de performance
Satellites, IoT, drones, intelligence artificielle, blockchain, systèmes d’information territoriaux… Les outils numériques offrent des solutions concrètes pour transformer la gouvernance ESG.
• Traçabilité et lutte contre le financement illicite : les registres distribués (blockchain/ledger) permettent d’enregistrer chaque lot de minerai, de la mine à l’exportation, garantissant l’intégrité et la transparence de la chaîne d’approvisionnement.
• Surveillance environnementale : la télédétection et les capteurs connectés assurent un suivi continu des déforestations, de la qualité de l’eau, des risques de rupture de digue — fournissant aux régulateurs et aux citoyens des alertes précoces.
• Sécurité opérationnelle : les jumeaux numériques simulent les incidents pour tester les plans d’évacuation et améliorer la résilience des sites.
• Formalisation de l’ASM : les plateformes mobiles offrent aux mineurs artisanaux un enregistrement, une formation, un accès à la microfinance et à l’assurance.
• Engagement communautaire : les portails participatifs et systèmes d’information géographique (SIG) permettent de documenter les consultations et de rendre visible la distribution des bénéfices.

Des impacts mesurables sur les ODD
Le numérique n’est pas seulement un outil de reporting : il peut produire de véritables effets d’entraînement sur les Objectifs de développement durable (ODD). Il soutient l’emploi décent (ODD 8) par la formalisation de l’ASM, protège l’eau et les écosystèmes (ODD 6 & 14) via un monitoring en temps réel, contribue à la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité (ODD 13 & 15) grâce à la surveillance forestière, et renforce les institutions transparentes (ODD 16) par la traçabilité et la reddition de comptes.

Mais la technologie n’est pas une panacée
La tentation du « greenwashing techno » est réelle : des plateformes brillantes qui produisent de beaux tableaux de bord sans modifier la gouvernance réelle. Le numérique ne vaut que s’il s’inscrit dans une stratégie « governance first » : des règles claires, des audits indépendants, une interopérabilité des données et une co-construction locale. Il faut aussi se prémunir contre la dépendance aux fournisseurs étrangers et le « colonialisme des données ». L’Afrique ne doit pas être une simple source de minerais, ni un terrain d’expérimentation technologique sans transfert de compétences.

Pour une feuille de route intégrée
Une approche pragmatique s’impose :
1. Diagnostic initial : cartographier les risques ESG et les capacités technologiques locales.
2. Pilote mixte : associer une mine industrielle et une zone ASM pour tester les outils de traçabilité, de surveillance et de formalisation.
3. Évaluation indépendante : mesurer les indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance selon des KPIs vérifiables.
4. Montée en échelle : intégrer les résultats dans les registres nationaux et conditionner les financements à la performance ESG démontrée.

Conclusion
L’alliance du numérique et de la mine peut réconcilier extraction et durabilité. Mais cette promesse ne tiendra que si la technologie devient un instrument de gouvernance partagée, non un alibi. L’enjeu n’est pas de digitaliser la mine, mais de numériser la responsabilité : une responsabilité collective, auditable et inclusive, au service des peuples et de la planète.

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