« Obligations des États africains face au changement climatique : un tournant juridique à saisir » par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi & de la commission RSE&ODD du CIAN

« Obligations des États africains face au changement climatique : un tournant juridique à saisir » par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi & de la commission RSE&ODD du CIAN

« Obligations des États africains face au changement climatique : un tournant juridique à saisir », par Pierre-Samuel Guedj, spécialiste du climat et des droits humains, Président d’Affectio Mutandi & de la commission RSE&ODD du CIAN

Le 23 juillet 2025, la CIJ a rendu un avis consultatif historique affirmant que le changement climatique constitue une menace existentielle engageant la responsabilité juridique des États. Cette décision, quasi unanime, constitue un jalon décisif pour les pays africains, malgré son caractère non contraignant.

1. Une obligation de diligence fondée sur le droit international
La CIJ établit que les États doivent prendre des mesures “appropriées” pour :
* Respecter les accords internationaux (Paris, Kyoto, autres conventions environnementales) ;
* Appliquer des obligations impératives du droit international coutumier, même hors du cadre des traités.
Les États africains, bien que peu responsables historiquement des émissions de gaz à effet de serre, se voient tenus à une obligation de diligence raisonnable.

2. Le droit à un environnement sain, enrobé dans les droits humains
La CIJ a réaffirmé qu’un environnement propre, sain et durable est fondamental à la réalisation des droits humains (vie, santé, accès à l’eau, alimentation). Pour les États africains, cette reconnaissance engage à intégrer la justice climatique dans la législation nationale et les politiques publiques.

3. La responsabilité pour omission : une responsabilité active
La Cour a clairement indiqué que le défaut d’action -que ce soit dans la régulation des émissions ou la suppression de subventions aux combustibles fossiles- constitue un acte internationalement illicite, ouvrant la voie à des réparations : indemnisation, restitution ou satisfaction pour les États ou peuples lésés.

4. Spécificités et enjeux pour l’Afrique
a) Vulnérabilité renforcée
Les pays africains, souvent classés parmi les plus touchés par les événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, montées des eaux), disposent désormais d’un outil juridique potentiel pour revendiquer justice climatique face aux pollueurs historiques.
b) Mobilisation régionale nécessaire
Des organisations comme la Plateforme Africaine sur le Climat saluent l’avis de la CIJ comme une lueur d’espoir juridique pour renforcer les actions devant la Cour africaine des droits de l’homme et d’autres mécanismes régionaux.
c) Vers une coalition africaine pour agir
L’avis juridique ouvre une fenêtre stratégique pour :
* Intégrer les principes de diligence et de responsabilité dans les cadres nationaux ;
* Inclure le droit à un environnement sain dans les constitutions et législations nationales ;
* Harmoniser les programmes régionaux (UA, BAD) avec des mécanismes de réparation et de prévention ;
* Utiliser l’avis CIJ comme levier dans les négociations climat (COP, financement, fonds pertes et dommages).

Conclusion
Même consultatif, l’avis de la CIJ redéfinit juridiquement les obligations climatiques des États : prévention, responsabilité et réparations deviennent des éléments du droit international. Pour l’Afrique, cette décision est une injonction morale et juridique à dépasser le statut juridique de « victime » pour devenir acteur de justice climatique.
Ce moment est l’opportunité d’une coopération continentale renforcée : formation juridique, plaidoyer international et construction de mécanismes régionaux de justice climatique. Car la durabilité du continent dépend aussi de sa capacité à rendre effectif le droit à un environnement viable – non pas dans cinquante ans, mais dès aujourd’hui.

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