
Afrique, mines et territoires : vers un nouveau pacte de partage des bénéfices !!!
Mines et territoires : vers un nouveau pacte de partage des bénéfices en Afrique
Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi & de la commission RSE&ODD du Conseil Français des Investisseurs en Afrique (CIAN)
La transition énergétique fait entrer les métaux critiques dans une ère stratégique. Sans eux, pas de batteries, pas de voitures électriques, pas d’éoliennes. Mais derrière chaque tonne de lithium, de cobalt ou de cuivre se joue une autre transition, plus discrète, plus fragile : celle des territoires qui portent sur leurs sols – et parfois sur leurs peuples – le poids de cette extraction indispensable.
Dans ces régions, souvent isolées, vulnérables, mais riches de biodiversité ou de cultures autochtones, la question du partage équitable des bénéfices miniers n’est plus un débat secondaire. C’est une condition de stabilité, de justice, et d’efficacité du développement.
Sortir de la logique de la rente centralisée
Pendant des décennies, la valeur créée par l’activité minière a été captée majoritairement par l’État central, ou par les opérateurs internationaux. Les communautés locales, elles, héritaient trop souvent des nuisances environnementales, de la hausse du coût de la vie, et d’un sentiment profond d’injustice.
Ce déséquilibre alimente aujourd’hui les tensions sociales, les blocages de projets, voire les conflits ouverts. Et il fragilise la transition énergétique elle-même, qui ne peut se construire sur des bases extractivistes dépassées.
Il est donc temps de repenser le contrat social minier, en plaçant le partage équitable des bénéfices au cœur du nouveau modèle.
Des mécanismes existent. Encore faut-il les activer.
Plusieurs leviers ont déjà fait leurs preuves à travers le monde :
* Les Accords de Développement Communautaire (CDAs), qui définissent des engagements formels de l’entreprise envers les communautés : emplois, santé, éducation, infrastructures. Ils sont par exemple obligatoires en Sierra Leone ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
* Les fonds fiduciaires locaux, qui sécurisent une part des revenus du projet pour financer des projets durables après la fermeture de la mine. Gouvernés de manière multipartite, ils permettent d’ancrer les retombées positives dans le temps.
* Le partage des redevances minières avec les collectivités locales, comme au Mali, où 20 % des royalties sont allouées aux territoires impactés.
* La participation directe des communautés à l’actionnariat, qui aligne les intérêts et donne une voix stratégique aux populations locales.
Ces dispositifs ne sont pas des pansements. Ils sont des instruments de rééquilibrage, des mécanismes de justice économique, et des facteurs puissants de stabilité.
De la compensation à la co-construction
Le véritable tournant, c’est de passer d’une logique de “compensation” – où l’on répare après coup – à une logique de co-construction du développement local. Cela suppose de considérer les communautés non comme des parties prenantes parmi d’autres, mais comme des co-acteurs du projet, dotés de droits, d’expertise et d’aspirations légitimes.
Cela suppose aussi de garantir la transparence, la gouvernance participative, et la reddition de comptes sur les engagements pris, avec des indicateurs sociaux, environnementaux et économiques partagés.
Vers une transition minière juste
Si la transition énergétique doit être globale, elle ne peut être imposée localement. Elle ne sera durable que si elle est perçue comme juste, ancrée dans les territoires, et soucieuse des équilibres sociaux et écologiques. Les opérateurs miniers qui l’auront compris bénéficieront d’un avantage stratégique majeur : la confiance.
À l’heure où les marchés, les consommateurs et les investisseurs exigent des métaux responsables, intégrer des mécanismes de partage équitable des bénéfices, c’est faire le choix de la performance durable. C’est aussi, peut-être, redonner aux communautés minières une voix, une dignité, et une vraie place dans le récit du XXIe siècle.