Communication de crise & Arbitrage international, quelles spécificités sur le continent africain, par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi et de la commission RSE&ODD du CIAN

Communication de crise & Arbitrage international, quelles spécificités sur le continent africain, par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi et de la commission RSE&ODD du CIAN

Quelle peut-être l’utilité de la communication de crise sur des questions d’arbitrage international ? Y a-t-il des spécificités à prendre en compte sur le territoire africain ? Une contribution synthétique de Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi et de la commission RSE&ODD du CIAN

La communication de crise joue un rôle crucial dans la gestion des questions d’arbitrage international pour plusieurs raisons, car elle permet de préserver la réputation et les intérêts d’une entreprise ou d’un État engagé dans un litige international. Voici les principaux points d’utilité :
1. Protection de la réputation : Lors d’un arbitrage international, surtout dans des affaires très médiatisées, les informations peuvent circuler rapidement dans les médias et affecter l’image publique de la partie impliquée. Une bonne communication de crise permet de limiter les dégâts en contrôlant la diffusion d’informations sensibles et en protégeant la réputation de l’organisation ou de l’État.
2. Maintenir la confiance des parties prenantes : Les parties prenantes (investisseurs, partenaires, employés, clients) doivent être informées de manière claire et concise pour maintenir leur confiance. En expliquant la situation, les stratégies en cours et les éventuelles conséquences, la communication de crise rassure ces acteurs et évite la panique ou les réactions négatives.
3. Gestion des perceptions publiques et politiques : Dans les arbitrages impliquant des États ou de grandes entreprises, les gouvernements, les médias et l’opinion publique peuvent jouer un rôle important. Une communication de crise efficace permet de cadrer le récit médiatique pour éviter les biais et les malentendus, tout en minimisant les impacts politiques et économiques.
4. Préparer et orienter la réponse face aux décisions arbitrales : L’issue d’un arbitrage international peut être favorable ou défavorable. En cas de décision défavorable, une communication de crise bien préparée permet de formuler une réponse mesurée, d’expliquer les recours possibles, et de gérer les réactions négatives (manifestations, pressions des actionnaires, etc.).
5. Prévenir l’escalade des conflits : L’arbitrage international est souvent le résultat de différends complexes. Une communication de crise peut contribuer à apaiser les tensions en évitant que les parties ne prennent des positions plus rigides en raison de pressions médiatiques ou politiques, facilitant ainsi une éventuelle résolution amiable.
6. Limiter les impacts financiers : Les marchés financiers sont très sensibles aux incertitudes juridiques et aux litiges internationaux. Une crise mal gérée peut entraîner des baisses de valeur boursière, des pertes d’opportunités ou des sanctions financières. La communication de crise vise à limiter ces impacts en offrant une vision cohérente et maîtrisée de la situation.

En résumé, la communication de crise dans le cadre d’un arbitrage international est essentielle pour protéger les intérêts à la fois juridiques, financiers, et d’image des parties impliquées. Elle permet de cadrer le débat public, d’éviter des dommages supplémentaires et de créer un climat propice à la résolution du conflit.

Y a-t-il des spécificités à prendre en compte sur le territoire africain ?
Oui, il existe des spécificités à prendre en compte en matière de communication de crise liée à l’arbitrage international sur le territoire africain. Ces particularités découlent de facteurs économiques, politiques, culturels et médiatiques propres au continent. Voici quelques-unes des spécificités importantes à considérer :
1. Contexte politique et juridique
– Stabilité politique : De nombreux États africains connaissent des situations de gouvernance et de stabilité politique très variables. Les crises liées à l’arbitrage international peuvent être exacerbées dans des environnements où le climat politique est fragile, avec un risque accru de tensions internes ou de mouvements sociaux en réaction à certaines décisions arbitrales perçues comme injustes ou défavorables.
– Perception de la justice internationale : En Afrique, certaines populations, entreprises et gouvernements peuvent percevoir les mécanismes d’arbitrage international (souvent basés en dehors du continent) comme biaisés en faveur des puissances économiques occidentales ou des grandes multinationales. Cette perception peut renforcer le sentiment d’injustice ou d’exploitation, et amplifier la crise si elle n’est pas bien gérée.
2. Sensibilité aux ressources naturelles et à la souveraineté économique
– Importance des industries extractives : De nombreux litiges d’arbitrage en Afrique sont liés aux industries extractives (pétrole, gaz, minerais), souvent des secteurs clés pour les économies nationales. Les arbitrages internationaux dans ce domaine peuvent être perçus comme une atteinte à la souveraineté économique du pays, surtout si la partie étrangère obtient gain de cause. La communication de crise doit alors aborder avec soin les enjeux liés à la gestion des ressources naturelles et à la souveraineté économique.
– Relations entre gouvernements et multinationales : Les différends impliquant des entreprises étrangères dans des secteurs stratégiques peuvent provoquer des réactions nationalistes. Il est crucial de prendre en compte cette dynamique pour éviter des crises sociales et politiques exacerbées par des tensions autour de la propriété et du contrôle des ressources.
3. Médias et perception publique
– Diversité des médias et des narratifs locaux : En Afrique, les systèmes médiatiques varient considérablement selon les pays. Dans certains cas, la presse est contrôlée par l’État, ce qui signifie que la communication de crise doit prendre en compte les éventuelles pressions politiques. Par ailleurs, la presse locale peut amplifier des récits nationalistes ou anti-étrangers, exacerbant les tensions autour d’un arbitrage.
– Rôle des réseaux sociaux : L’usage croissant des réseaux sociaux sur le continent africain, particulièrement parmi la jeunesse, peut intensifier une crise. Une mauvaise gestion des informations sur les plateformes sociales peut conduire à la diffusion rapide de rumeurs ou de discours populistes. Il est donc essentiel d’inclure une stratégie numérique solide pour contrer ces risques.
4. Sensibilité culturelle
– Importance des leaders d’opinion locaux : En Afrique, les leaders communautaires, religieux, ou traditionnels ont une influence significative dans la formation de l’opinion publique. Il est donc crucial de tenir compte de ces acteurs dans une communication de crise, afin de leur fournir des informations adaptées qui reflètent les sensibilités locales.
– Perception de l’entreprise étrangère : L’historique des relations entre les pays africains et les anciennes puissances coloniales peut créer une méfiance envers les grandes entreprises ou institutions étrangères. Dans ce contexte, une stratégie de communication doit non seulement être transparente, mais aussi respectueuse des réalités locales et axée sur la construction d’une image positive à long terme.
5. Enjeux économiques et sociaux locaux
– Impact sur les communautés locales : Les arbitrages internationaux concernant des projets d’envergure, notamment dans les secteurs miniers ou énergétiques, peuvent avoir des répercussions directes sur les communautés locales en termes d’emplois, d’environnement ou d’infrastructures. Une communication de crise efficace doit inclure des messages spécifiques aux communautés concernées, en prenant en compte leurs besoins et leurs préoccupations.
– Influence des institutions régionales : Des organisations régionales comme l’Union africaine (UA) ou les tribunaux régionaux (ex. Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO) peuvent jouer un rôle clé dans la médiation des conflits. Il est utile de collaborer avec ces institutions pour montrer que l’approche prise est conforme aux normes africaines et internationales.
6. Systèmes de gouvernance hybrides
– Importance des droits coutumiers : Dans certains contextes, les systèmes de gouvernance formels coexistent avec des systèmes coutumiers, notamment en matière de gestion des terres ou des ressources naturelles. La communication de crise doit donc parfois inclure des références ou des explications à ces systèmes parallèles pour assurer la légitimité des décisions, notamment vis-à-vis des populations locales.

En conclusion
Une communication de crise efficace en Afrique doit donc être à la fois adaptée au contexte local et réactive aux dynamiques nationales, culturelles et économiques spécifiques. Il est important de développer une approche basée sur une compréhension profonde des enjeux locaux tout en s’appuyant sur les meilleures pratiques internationales. La transparence, la sensibilité culturelle et une prise en compte des parties prenantes locales sont des éléments essentiels pour réussir à gérer une crise d’arbitrage sur le continent africain.

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