Interview de Philippe Leroux,  Directeur général de la Fondation Avril dans le cadre d’Ambition Africa

Interview de Philippe Leroux, Directeur général de la Fondation Avril dans le cadre d’Ambition Africa

1 – Quelle est votre vision des défis agricoles et agroalimentaires auxquels est confrontée l’Afrique ?

 

Il y a un enjeu et deux défis. Concernant l’enjeu auquel est confronté l’agriculture et l’alimentation du continent africain, je me rapporterais au rapport de l’INRAE « Agriculture 2050 » dans lequel est soulignée la dépendance forte de l’Afrique en matière de production de protéines – végétales et animales – au regard des carences actuelles et de l’évolution démographique. A ce constat s’ajoute une désaffection de l’alimentation traditionnelle – riche en protéine végétale – pour une alimentation occidentale, entraînant une baisse des productions de légumineuses. 

 

En ce qui concerne les défis, le premier se résume par « faire plus et mieux ». C’est-à-dire améliorer la productivité de l’agriculture et rendre plus homogène la qualité des productions. Nous avons besoin de produire plus et en qualité. Nous devons entrer dans une politique de productivité pour éviter ou minimiser l’extension des terres cultivées, tout en améliorant les ressources des agriculteurs. Le défi majeur reste donc l’amélioration des quantités produites par hectare. Cela s’avère particulièrement compliqué dans un contexte où le nombre de producteurs est élevé et les surfaces par agriculteur faibles.

 

Le deuxième défi est celui de la transformation, c’est-à-dire de la création de valeur. Il faut opter pour une transformation locale génératrice de valeur répondant aux besoins des consommateurs locaux. Ce mouvement doit être accompagné par les pouvoirs publics, les bailleurs internationaux et le système bancaire pour créer un tissu de PME agroalimentaires adaptant les produits agricoles locaux au goût des consommateurs africains et générant de l’emploi. Les politiques de développement doivent donc se concentrer sur l’appui à la transformation agroalimentaire. 

 

La réalisation de ces deux défis passera par trois conditions : le financement des fiières, l’amélioration des conditions logistiques (stockage et transport) et par la formation des agriculteurs et des entrepreneurs.

 

Pour ce qui est du financement des filières, il est nécessaire de financer le besoin en fonds de roulement (BFR) des TPE/PME afin de leur permettre de contractualiser avec les producteurs et honorer les contrats au moment des récoltes.  Un financement de la filière par l’aval faciliterait la croissance du secteur agricole et favoriserait une relation de confiance, pérenne, entre agriculture et transformation.

La mise en place d’outils de garantie et la création d’un système bancaire de proximité et formé au développement du secteur agroalimentaire sont indispensables. Parallèlement il faut former les dirigeants de TPE/PME à la gestion, aux méthodes de reporting et de suivi des performances industrielles et à la compréhension des attentes des partenaires financiers.

 

Un frein à l’approvisionnement en qualité et en quantité des transformateurs est d’ordre logistique. Il faut réussir à améliorer l’ensemble du système logistique. L’enjeu est d’agréger les matières premières, les stocker et les transporter dans les meilleures conditions pour pouvoir les transformer et les livrer aux consommateurs. 

 

2 – Comment la Fondation Avril contribue à la gestion de ces défis agricoles et agroalimentaires ?

 

Par l’accompagnement : la fondation Avril a décidé de devenir opérateur pour accompagner la structuration des filières légumineuses et ainsi contribuer à l’autonomie nutritionnelle et alimentaire des pays et des populations. Les légumineuses, en fixant l’azote dans le sol, permettent de réduire les intrants et répondent aux besoins d’une alimentation humaine et animale riche en protéine.

Nous proposons un changement de paradigme en organisant les filières « de la fourchette à la fourche », de l’aval vers l’amont. La démarche consiste à identifier les acteurs en aval qui répondent aux besoins du marché pour ensuite organiser et structurer la production. 

 

Si nous voulons une agriculture plus performante, il faut encourager la transformation des productions locales, favoriser la contractualisation et développer le financement des entreprises. 

 

3 – Quelles innovations sociétales ou coalitions d’acteurs permettraient d’accélérer la résolution de ces enjeux et l’atteinte des Objectifs de développement durable ?

 

Il s’agit d’une Question complexe. Il y a une vraie problématique de « mise en mouvement ». La vision du développement doit être partagée par les acteurs du terrain. Ce qui est pour moi une difficulté majeure et explique une très grande partie des échecs du développement en Afrique. 

 

A notre niveau, nous essayons d’apporter des solutions par la co-construction. 

Nous faisons intervenir des consultants en conduite du changement pour animer les réunions de travail et faire émerger des idées et des projets. Nous proposons, lors de ces réunions, à des experts économiques ou techniques, issus d’entreprises françaises, de venir échanger, avec les acteurs locaux, sur les solutions proposées et réaliser des transferts de compétence.

 

Il y a un réel manque de vision politique pour l’appui au développement de l’agroalimentaire en Afrique. Il faut favoriser des partenariats entre entreprises françaises et entreprises africaines et développer des joint-ventures. Au-delà du discours politique, ce n’est pas seulement de l’aide au développement dont l’Afrique a besoin, mais de l’aide au développement des entreprises. Il faudra aller un peu plus loin dans le partenariat public-privé. On ne peut pas faire de développement sans prendre de risques. Il faut financer les PME et accepter de ne pas gagner à chaque fois…

 

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