OHADA : rendre publique la Note 35, le chaînon manquant de la confiance économique & ESG en Afrique

OHADA : rendre publique la Note 35, le chaînon manquant de la confiance économique & ESG en Afrique

OHADA : rendre publique la Note 35, le chaînon manquant de la confiance économique & ESG en Afrique, par Pierre-Samuel Guedj, président d’Affectio Mutandi

Dans un contexte où les relations économiques entre l’Afrique et l’Europe sont scrutées à l’aune de l’exigence, de la durabilité et de la transparence, la Note 35 du SYSCOHADA (acte uniforme de l’OHADA portant sur le reporting comptable et financier) pourrait bien constituer une révolution silencieuse. Encore largement méconnue, non publique et non publiée, cette trop discrète disposition spécifique et unique ouvre la voie à un réel reporting extra-financier africain, centré sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Or, dans un monde où les investisseurs comme les régulateurs et les partenaires économiques exigent toujours plus de transparence, l’Afrique dispose ici d’une arme normative de premier plan dont l’Union Africaine devrait même s’emparer en la généralisant !!!

Un outil propriétaire africain unique pour réduire l’asymétrie d’informations !
Le manque de données fiables, notamment sur les impacts des activités économiques, à l’aune des taxonomies émergentes comme en Afrique du Sud, au Kenya et depuis à peine quelques jours au Togo, constitue l’un des freins majeurs à l’investissement sur le continent. Les bailleurs de fonds internationaux parlent de « risque Afrique », moins en raison d’une réalité objective que d’une asymétrie d’information persistante.
En rendant obligatoire et public ce véritable reporting ESG via la Note 35, les entreprises africaines réduiraient grandement cet écart de confiance. Elles montreraient, chiffres et indicateurs à l’appui, leurs contributions à l’emploi local, à la protection des ressources naturelles ou encore à la lutte contre le changement climatique et à la corruption. Elle permettrait aux naissantes agences de notation extra-financière africaines, en pleine maturation, de disposer de datas homogènes et comparables que l’Intelligence Artificielle pourrait analyser massivement pour nourrir ainsi la confiance dans les relations d’affaires. Elle stimulerait ainsi les acteurs économiques responsables, ceux soucieux sur le plan réputationnel mais aussi sur le plan de l’impact, établirait une distinction factuelle entre ceux qui « annoncent » et ceux qui font réellement… Elle objectiverait vers la durabilité l’achat public comme privé, entre le mieux disant et le moins disant…

La convergence avec l’Europe : un levier stratégique !!
Au même moment, l’Union européenne met en place la CSRD et la CS3D qui imposent aux grandes entreprises européennes un reporting rigoureux sur leurs impacts sociaux et environnementaux, jusque dans leurs filiales et y compris dans leurs chaînes de valeur. Rien n’oblige l’Afrique à se focaliser sur le marché européen, le potentiel intérieur du continent est beaucoup plus grand et constitue une opportunité majeure et essentielle de développement économique et social endogène à privilegier.
Ceci dit, si les entreprises et chaînes de valeur africaines s’alignent, avec le soutien de l’Europe, a minima sur ces standards via notamment le SYSCOHADA, elles deviennent des partenaires toujours plus crédibles et indispensables pour les acteurs européens, qui ont besoin de données ESG locales pour se conformer à leurs obligations réglementaires et gérer leurs risques juridiques et réputationnels. C’est également une opportunité unique pour repositionner l’Afrique comme un acteur normatif, un partenaire, et non comme un simple récipiendaire de standards venus d’ailleurs. Et même une opportunité d’accélérer le mouvement naissant de délocalisation des activités de transformation de l’Asie vers l‘Afrique.

Enrichir la confiance, bâtir des relations durables !!!
La transparence n’est pas qu’une question de conformité. Elle est le socle de la confiance entre acteurs économiques, publics comme privés, investisseurs comme opérateurs. Or, sans confiance, il n’y a pas d’investissement durable, pas de partenariat gagnant-gagnant.

En adoptant pleinement la Note 35 et en la publiant spontanément, les entreprises africaines concernées par l’OHADA comme les autres, y compris les filiales européennes, démontreraient leur capacité à intégrer les meilleures pratiques internationales tout en affirmant une spécificité régionale. Loin d’être une contrainte, cette exigence deviendrait une avantage compétitif dans l’accès aux financements internationaux s’alignant sur la Banque Mondiale ou les PRI (principes de l’investissement responsable), aux marchés européens et aux partenariats stratégiques.

L’heure de vérité
L’Afrique a souvent été perçue comme en retard en matière de normes financières ou de reporting extra-financier. La Note 35 change la donne. Elle peut faire de l’OHADA un laboratoire de l’intégration ESG, et de l’Afrique un pionnier dans l’articulation entre croissance économique, justice sociale et durabilité environnementale.
Encore faut-il que les entreprises et les États jouent le jeu de la publication et de la transparence. Car une norme qui reste lettre morte, dans un tiroir agrafé à une liasse fiscale comme c’est le cas actuellement, ne vaut rien.

L’heure est venue de transformer ce potentiel en acte politique et économique. L’Afrique dispose d’un outil. Elle doit désormais en faire un signal fort : celui d’un continent qui n’attend pas que d’autres écrivent ses règles, mais qui assume pleinement de bâtir sa propre grammaire de la durabilité et de la confiance.

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