Amel Chadli Vice-Présidente stratégie & énergie digitale pour l’Afrique et le Moyent-Orient chez Schneider Electric évoque les enjeux de l’électricité et des Smart Grids sur le continent

Amel Chadli Vice-Présidente stratégie & énergie digitale pour l’Afrique et le Moyent-Orient chez Schneider Electric évoque les enjeux de l’électricité et des Smart Grids sur le continent

  • Quelle est votre vision des enjeux de l’accès à l’électricité en Afrique ?

L’accès à une électricité fiable et abordable sur le continent africain reste conditionné par la réalisation de défis socio-économiques aux enjeux majeurs et dont on peut citer les plus cruciaux :

  • Des enjeux Sociaux liés au besoin de l’accès à des services d’éducation ou de santé, ou encore, d’une façon générale, à l’amélioration de la qualité de vie des populations africaines. L’accès à cette source d’énergie constituerait, sans aucun doute, une piste de réponse durable à ces besoins et aux crises chroniques dues, notamment, aux déséquilibres migratoires affectant aujourd’hui le continent.
  • Des enjeux économiques car le développement de certaines activités économiques dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture ou des services, est fortement dépendant des progrès techniques réalisés en matière de perfectionnement au niveau de l’accès à une électricité, à la fois fiable et abordable qui joueraient un rôle de catalyseur de la croissance pour l’économie africaine.
  • Des enjeux démographiques : le continent connaît une explosion démographique de sa population, qui devrait en effet doubler d’ici 2050, et atteindre près de 4,2 milliards d’habitants – soit l’équivalent de 40% de la population mondiale – d’ici la fin du siècle.
  • Des enjeux financiers et de gouvernance dans la mesure où il est primordial de préciser que le développement des infrastructures de production, comme celles des transports et/ou de la distribution d’électricité nécessite, à la fois, une mobilisation et une implication forte et permanente de l’ensemble des acteurs concernés (Etats, développeurs de projets, financeurs privés et publics, bailleurs de fonds internationaux, etc.),tant aux niveaux africain qu’international !
    Cette action est, naturellement, cruciale dans la détermination des objectifs de développement ambitieux , entretenus et surtout protégés par des environnements institutionnels adéquats, mais aussi pour assurer, d’autre part , le recours à une mobilisation de l’ensemble des savoir-faire et des moyens techniques et humains et, bien évidemment financiers pour permettre la mise en œuvre d’un tel développement.
  • Des enjeux climatiques, bien que le Continent ne contribue pas fortement aux émissions de CO2 par comparaison aux pays dits ‘’avancés’’, mais subissant de fait les conséquences dues aux multiples changements climatiques, le Continent devrait, également, faire face à des vagues de chaleurs sans précédents et/ou des montées des eaux qui requièrent des infrastructures énergétiques permettant aux populations de faire face à ces délicates situations.

Au delà de ces enjeux, la problématique de l’amélioration de l’accès à l’électricité au niveau de la fiabilisation des réseaux de communication, de la réduction des temps d’arrêt ou de coupures de l’énergie, de la satisfaction des besoins fondamentaux des populations africaines représente un véritable défi pour le développement de ce Continent et constituent des objectifs prioritaires qu’il y a lieu de réaliser rapidement.

 

  • Quel est le potentiel des Smart Grids sur le sujet ? 

Comme souligné dans la réponse précédente, l’Afrique est, aujourd’hui, confrontée à deux grands défis :

  • L’électrification, en particulier des zones rurales non raccordées au réseau national,
  • L’augmentation de sa capacité de production, actuellement fortement carbonée et largement insuffisante.

Ainsi par voie de conséquence et pour faire face à ces défis, les énergies renouvelables auraient un rôle essentiel à jouer pour compléter les sources d’énergie conventionnelle.

En effet, le Continent possède un potentiel solaire supérieur à 10 TW en raison d’un taux d’ensoleillement parmi les plus élevés au monde dans la région subsaharienne, ainsi qu’un potentiel de 350 GW d’hydroélectricité et de 110 GW d’éolien. Par contre, l’approvisionnement énergétique aujourd’hui reste limité et l’accès à cette énergie reste très moyen (de l’ordre de 32% en Afrique subsaharienne).

En plus du manque d’invesstissements nécessaires pour les renforcer et les développer, les capacités installées en Afrique reposent, essentiellement sur des moyens thermiques, avec des réseaux souvent sous-dimensionnés et peu entretenus.

Le développement des énergies renouvelables est donc approprié pour répondre aux enjeux de la production et l’accès à l’électricité en Afrique : l’exemple particulier de l’énergie solaire, grâce à sa capacité à fonctionner hors réseaux, peut fortement contribuer à électrifier les territoires ruraux isolés ou très éloignés.

L’apport des Smart grids qui sont des ‘’outils intelligents’’, est une solution idoine et opportune qui devrait permettre d’intégrer facilement les énergies renouvelables dans le système électrique existant et ainsi optimiser l’utilisation de la production d’électricité.

 

  • Quelle est la valeur ajoutée de la digitalisation des Smart Grids ?

Il est un fait que la digitalisation des Smart grids permet de constituer des réseaux de distribution d’électricité favorisant la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs, et ce, en temps réel. Grâce à l’application de cette technologie, cette méthode autorise une gestion plus efficace du réseau électrique, capable de gérer et d’optimiser l’utilisation d’une production décentralisée.

En effet, cela pourrait être une solution adaptée à ce besoin grandissant de l’Afrique d’intégrer des énergies renouvelables, à grande échelle dans les systèmes électriques nationaux…à condition que les grands bailleurs internationaux se mobilisent pour promouvoir l’intégration de ce type d’énergie.

En parallèle et simultanément, le continent devrait, également, engager des chantiers de digitalisation avec des partenaires internationaux capables de doter les Entreprises africaines de réseaux intelligents digitalisés qui permettent de détecter des anomalies en temps réel et engager rapidement ces dernières dans la voie de la numérisation progressive des procédures et de l’innovation pour un contrôle intelligent de la demande en électricité.

Pour conclure, le Continent présente un potentiel particulièrement élevé pour le développement des technologies des Smart grids, malgré les enjeux cités qui retardent l’accélération de l’intégration de ces technologies.

 

  • Quels peuvent être les impacts directs et indirects de ces smart grids au regard des ODDs en Afrique ?

Les impacts directs et indirects des smart grids en Afrique sont multiples et variés ; leur développement progressif et leur extension à l’accroissement des grandes agglomérations par le biais des micro-grids semblent être une solution particulièrement pertinente à retenir ; cela répondrait aux besoins des communautés isolées, en attente d’une extension du réseau électrique tout en permettant ultérieurement un couplage au réseau interconnecté dès que ce dernier arrivera dans la zone.

En effet, les smart grids permettent de diminuer ou de décaler les investissements en nouveaux moyens de production dans la mesure où :

  • ils facilitent l’intégration des énergies renouvelables grâce à des mécanismes performants de prévision de la production;
  • ils permettent des associations avec des solutions de gestion des flexibilités telles que le stockage ou les effacements de consommation.

En outre, sans être la solution idoine appelée à résoudre tous les soucis d’approvisionnement électrique que rencontrent des millions d’africains dans leur vie quotidienne, les smart grids participent à la diminution des temps de coupure, à l’accélération des réalimentations en cas de pannes subites ou encore, au renforcement de la sécurité et de la qualité de la fourniture de l’électricité.

Rappelons par ailleurs que, à cause de la faiblesse des infrastructures énergétiques dans certaines régions d’Afrique, d’importants investissements seraient nécessaires pour laremise en état et la modernisation des réseaux.

Par conséquent, cette remise en état doit anticiper l’avenir en misant dès aujourd’hui sur des matériels et des systèmes compatibles avec les technologies smart grids.

La mise en place de ces nouvelles technologies évolutives vers des réseaux électriques intelligents pourrait permettre à l’Afrique de rattraper plus rapidement son retard en la matière.


In fine, la question est maintenant de savoir :

  • comment faire passer les réseaux du continent africain, souvent obsolètes, à l’âge des smart grids ?
  • comment permettre aux Etats africains, comme à d’autres pays en voie de développement, de réussir ce saut technologique et de transformer… une contrainte en opportunité?
  • Comment s’insérer dans une démarche smart grid et pouvoir s’appuyer sur un schéma directeur multidimensionnel (matériel, télécoms, système d’information, ressources humaines) afin d’éviter de s’enfermer dans une vision à court terme centrée sur quelques réalisations technologiques ?

La priorité dans l’électrification « smart » de l’Afrique portera certainement sur un apport (ensemble) de matériels électrotechniques « de base », allant progressivement vers plus d’automatisation et autant d’observabilité :

Cette méthodologie est une démarche innovante qui permet de donner une cohérence d’ensemble en permettant de traduire les intentions stratégiques en objectifs concrets associés à des objets « smart »  tels que l’apport de nouvelles compétences nécessaires, en instrumentation de capteurs, en gestion de projets, en fiabilisation et autre valorisation des données…
En toute cause, l’aspect humain est essentiel pour prévoir l’avenir, en termes de ressources humaines, de formations et de métiers finaux.

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