“Notre ADN est collectif, pour soutenir ensemble les héros de la décennie naissante” – Entretien avec Pedro Novo, Directeur Exécutif en charge de l’Export de Bpifrance

“Notre ADN est collectif, pour soutenir ensemble les héros de la décennie naissante” – Entretien avec Pedro Novo, Directeur Exécutif en charge de l’Export de Bpifrance

Entretien avec Pedro Novo, Directeur Exécutif en charge de l’Export de Bpifrance, sur l’avenir des relations entre entrepreneurs et entrepreneuses français et africains.

Quels sont les freins ou complexités auxquelles les PME africaines font face dans leur financement et leur développement ?

Notre ambition chez Bpifrance est de mettre la relation entre entrepreneurs français et africains au cœur du narratif de la relance et de la croissance des 10 prochaines années – un destin commun fait de passerelles et de projets nourris à 4 mains réciproquement inspirés qui ouvriront bien de nouveaux horizons face aux enjeux adressés. A la fin de la journée, les entrepreneurs partagent le même quotidien de difficulté d’accès aux ressources financières, humaines et d’accompagnement, même si les échelles en jeu peuvent diverger naturellement. Ils sont fait du même métal, ont le même désir de conquête et un appétit viscéral de contribuer positivement aux défis de nos sociétés (énergie & climat, social, santé…). 

Notre connaissance fine de l’écosystème entrepreneurial français, d’une part, et notre expérience d’investisseurs depuis 18 ans sur le continent africain, conjugué au déploiement de nos solutions de financement Export ou d’opérateur de l’accès aux garanties publiques pour le compte de l’Etat, d’autre part, nous ont permis de prendre la mesure des difficultés rencontrées. Et elles sont plus proches qu’on ne le croit.

S’il y a autant de réalités que de pays sur le continent et de filières adressées, des dénominateurs communs se distinguent parmi lesquels un secteur privé « officiel » très étroit, peu de champions héroïsés,  un poids de l’informel très fort, un accès au crédit moyen long termes en conséquence difficile, le tout sur fonds d’une offre d’accompagnement pas assez mature et reconnue par les entrepreneurs.

Le continent représente sans doute la plus puissante sources d’entrepreneurs au monde, la puissance et l’énergie créatrice, l’agilité, le pragmatisme, la vitesse d’exécution, la capacité à lever les obstacles cités plus haut, font des entrepreneurs du continent des top gun à la résilience, la détermination et l’enthousiasme contagieux.

Encore au début des années 2010, il se disait qu’il était difficile d’entreprendre en France car les barrières mentales et financières étaient redoutables. La France est devenue en 10 ans une véritable Nation d’entrepreneurs. Souvent nous entendions que si l’on avait réussi à entreprendre en France, on pouvait réussir partout. Je crois qu’il en est de même pour les entrepreneurs africains sur fonds d’un moteur émotionnel encore plus puissant. S’ils ont réussi dans leur pays, ils peuvent réussir partout. A nous de le rendre possible.

Quelles réponses seraient les plus efficaces et quelles sont les solutions que vous apportez à ce propos ?

D’abord, il faut souligner que les acteurs – qu’ils soient publics ou privés – font de l’entrepreneuriat et de la naissance des champions de demain une priorité. C’était l’un des thèmes du sommet sur le financement des économies africaines réunis à Paris en Mai dernier. Ce sujet devient une priorité au même rang que la gestion de la dette publique des Etats qui en ont tous pris conscience. Le collectif A New Road auquel nous contribuons activement vise par exemple à nourrir ces réflexions associant des personnalités aux parcours multiples.

Il en ressort entre autres que les contraintes de régulation imposées au système bancaire, par les régulateurs internationaux comme africains, conjuguées à l’éloignement des entrepreneurs de la formalisation de leurs activités constituent une barrière redoutable à franchir pour ces entrepreneurs. Un entrepreneur ou un artisan, même «formalisé », peine en effet à obtenir un crédit à des conditions raisonnables pour financer ses investissements. Trouver un crédit à 4 ans à moins de 4 % est aujourd’hui généralement très difficile.

Ainsi, il est important d’agir sur les régulateurs pour desserrer l’étau mais aussi sur les acteurs et les entrepreneurs en contribuant à l’émergence d’Institutions Publiques sur le modèle de Bpifrance, par exemple, sur le continent. Notre expérience éprouvée en France, est une inspiration intéressante à adapter naturellement au gré des économies et pays visés. Si chaque pays avait une forme de Bpi, il y aurait sans doute davantage d’entrepreneurs. Nous y travaillons déjà avec plusieurs pays et je crois beaucoup à la vertu du modèle d’entraînement d’une telle structure sur l’écosystème. Les entrepreneurs pourraient y trouver un bouquet de solutions dont ils ont besoin comme du crédit en direct avec un levier en cofinancement embarquant les banques privées, du conseil, des fonds propres, des garanties pour faciliter l’octroi de financements pour investir, recruter ou se développer à l’export…A la vérité, beaucoup de briques existent déjà mais la « secret sauce » repose dans la capacité à les réunir dans une « maison » offrant une expérience sans couture et nourricière d’ambitions du point de vue de l’entrepreneur.

Après quoi, il nous faut, aux côtés de Proparco, poursuivre notre soutien à l’écosystème d’investissement en fonds propres initié au début des années 2000. Nous avons su bâtir une architecture de financement qui s’est renforcée et simplifiée au fil des années. 1 milliard d’euros a été engagé sur le continent africain, dans une vingtaine de fonds de Capital Investissement et plus de 150 entreprises réparties dans une quarantaine de pays en ont bénéficie. Il nous faut sans doute accélérer pour accompagner l’émergence des Champions des 20 prochaines années.

Nous avons en parallèle apporter des solutions toujours plus accessibles et simplifiées aux entrepreneurs français pour faciliter leur coopération avec les entrepreneurs africains. Par exemple, nous proposons des solutions de crédit aux entrepreneurs africains investissant dans des projets industriels structurants (Energie, Transport, Santé, Agroèalimentaire…) et qui s’équipent auprès de fournisseurs français. Plus de 600 M€ ont ainsi été injectés en 5 ans dans l’économie africaine au moyen de ces crédits export qui s’adossent aux garanties publiques que nous opérons pour le compte de l’Etat français.

En sus d’outils digitaux nous permettant d’animer des communautés d’entrepreneurs comme Euroquity, nous organisons aussi avec le soutien de la Team France Export et des acteurs privés de nombreux événements tant en France comme BIG à l’Accor Arena à Paris le 7 octobre prochain ou Inspire & Connect (ICA) à Abidjan en juin dernier pour provoquer le destin et réunir les entrepreneurs, faciliter leurs collaboration, inspirer leurs prochaines ambitions. Ce sont des moments intenses de contamination de confiance en soi et en l’avenir : une forme de célébration de l’amour du déséquilibre que les entrepreneurs transforment collectivement en croissance. ICA c’était 1000 participants 110 speakers, 3000 connexions business, 125 RDV concrets pour les 23 membres de notre accélérateur Afrique présents à l’occasion de ce rendez-vous.

Enfin, à nos outils et actions, s’ajoute une expérience nouvelle initiée avec le Conseil Présidentiel pour l’Afrique cette année 2021, le Pass Africa. Il s’adresse à des entrepreneurs de la Diaspora à fort potentiel de croissance ayant l’Afrique comme priorité dans leurs ambitions de développement. Nous comptons déjà notre première promotion de 20 entreprises qui ont un pied sur chaque continent. Accompagnés depuis le 20 décembre 2020, ils ont pu bénéficié de plus de 2 M€ de financements pour leurs projets. Nous lançons à l’occasion du prochain BIG l’appel à candidature pour la 2e promotion. Le vivier de talent est incroyable.

Quelle coordination des acteurs optimiserait toujours plus et toujours mieux le développement de ces PME africaines ?

Vous l’aurez compris, notre ADN est collectif, nos valeurs sont inscrites dans une approche du Co-Tout : la co-construction, le co-investissement, le co-financement, le co-développement entre les entrepreneurs africains et français. La Team France Export constitue une illustration de cette approche synergétique côté français. Nous devons aller plus loin face aux défis rencontrés par les entrepreneurs et l’écosystème. Nous avons cette volonté de réunir autour de projets communs davantage d’entrepreneurs d’Afrique et de France, issus de secteurs divers.

A nous de traduire sur l’environnement de ces entrepreneurs la même synergie institutionnelle. Nous avons par exemple rapproché nos actions avec le groupe AFD et Proparco, la BOAD ou l’EBID, des banques commerciales et des fonds d’investissements ou des administrations dans un partenariat qu’il nous faut faire grandir encore pour soutenir ensemble les héros de la décennie naissante.

Notre avenir est donc commun avec les entrepreneurs et ouvert : le New Deal pour l’Afrique voulu par le Président de la République, c’est aussi ça. Le prochain sommet de Montpellier du 8 octobre clôturera par exemple une semaine mettant les entrepreneurs africains et la société civile à l’honneur. 450 entrepreneurs qui ont été invités par le Président de la République vivront une immersion unique au Monde articulée autour d’un triptyque de moments forts Ambition Africa, BIG (tous deux à Paris) et le Sommet décentralisé en Région Sud. Ils auront face à eux des entrepreneurs français partageant le même désir d’entreprendre.

Notre prochain défi sera naturellement de nourrir et entretenir la flamme du réseau social d’entrepreneurs qui naîtra de cette semaine historique !

Plus d’informations sur BIG 2021

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