
« Les modèles d’IA doivent être transparents, redevables, et conçus pour inclure les populations les plus vulnérables », une contribution de Pierre-Samuel Guedj dans Les Echos
« L’intelligence artificielle au service d’un progrès durable : une révolution à ne pas manquer », par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, une contribution publiée dans Les Echos le 20 juin 2025.
« Au moment où la planète franchit des seuils critiques en matière de climat, de biodiversité et de ressources, une question essentielle se pose : comment mobiliser les technologies émergentes pour réinventer notre manière d’innover, de produire et de vivre ensemble ? L’intelligence artificielle (IA), souvent perçue à travers le prisme de l’efficacité ou de la compétitivité, peut – et doit – devenir un levier majeur d’innovation durable. À condition d’être pensée avec éthique, sobriété et ambition collective.
L’IA comme accélérateur de découvertes scientifiques
Dans les laboratoires, l’IA bouleverse déjà la manière de faire de la science. DeepMind, par exemple, a mis au point AlphaFold, un système capable de prédire la structure 3D des protéines avec une précision inédite. Cette avancée ouvre des perspectives immenses pour la médecine, l’agriculture ou la dépollution. En seulement deux ans, AlphaFold a permis de décrypter plus de 200 millions de structures, contribuant à des découvertes cruciales dans le développement de médicaments et de traitements ciblés.
Même dynamique du côté des matériaux durables : le MIT et Google DeepMind explorent l’usage de l’IA pour identifier de nouveaux matériaux pour batteries plus propres ou des catalyseurs sans terres rares, accélérant ainsi la transition énergétique.
Agriculture, énergie, mobilité : des systèmes plus intelligents, plus sobres
Dans les champs, des algorithmes alimentés par des données satellites et des capteurs embarqués permettent une agriculture de précision, réduisant l’usage d’eau, d’engrais et de pesticides. La start-up française Dilepix, par exemple, utilise la vision par ordinateur pour détecter maladies et nuisibles à la feuille près, limitant les traitements chimiques.
Dans les villes, les « smart grids » – réseaux énergétiques intelligents – optimisent la distribution d’électricité en temps réel, intégrant mieux les énergies renouvelables. Le projet Flexcity en Belgique permet à des milliers de foyers et d’entreprises de participer activement à l’équilibre du réseau, via une IA qui gère les pics de consommation de façon décentralisée.
Côté mobilité, l’entreprise Optibus emploie l’IA pour concevoir des réseaux de transport urbain plus efficaces et plus durables, réduisant les trajets à vide, les temps d’attente et l’empreinte carbone globale du secteur.
Une boussole éthique pour un progrès juste
Mais attention : l’IA n’est pas neutre. Elle peut aussi amplifier les inégalités si elle est déployée sans garde-fous. C’est pourquoi la notion de “technologie responsable” doit être centrale. Les modèles d’IA doivent être transparents, redevables, et conçus pour inclure les populations les plus vulnérables. L’UNESCO a d’ailleurs publié un cadre éthique de référence pour encadrer le développement de l’IA au service des objectifs de développement durable.
Autre enjeu : l’empreinte environnementale de l’IA elle-même. Les modèles d’IA générative ou de deep learning sont parfois énergivores. Des alternatives émergent, comme les IA “frugales”, conçues pour fonctionner avec moins de données, moins de puissance de calcul, et donc un impact réduit sur l’environnement.
Somme toute, choisir le bon récit technologique
L’intelligence artificielle peut être bien plus qu’un simple outil d’optimisation. Elle peut devenir un moteur de transformation profonde, au service d’un modèle économique plus sobre, plus équitable, plus respectueux du vivant.
Encore faut-il qu’on en fasse le bon usage, qu’on investisse dans les bons projets, et qu’on donne la voix aux bonnes parties prenantes – chercheurs, citoyens, ONG, entreprises engagées. Il ne s’agit pas de ralentir le progrès, mais de lui donner une direction. Car innover sans boussole, c’est accélérer dans le brouillard. Innover avec sens, c’est ouvrir un chemin. »
Pierre-Samuel Guedj
Durabilité, Investissements & Relations gouvernementales
* Président d’Affectio Mutandi, 1er cabinet conseil en Vigilance ESG, Impacts RSE, communications & influences responsables
* Président de la Commission RSE&ODD du Conseil Français des Investisseurs en Afrique
* Directeur du média à impacts pour les ODD en Afrique www.AfricaMutandi.com