Quels risques juridiques et réputationnels liés aux mutations normatives des enjeux ESG, en Europe & en Afrique, une synthèse de Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi
Dans un exercice de synthèse, Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi, s’attache à identifier les principaux risques juridiques, financiers et réputationnels liés aux enjeux ESG au regard notamment des récentes mutations normatives telles que les directives CSRD et CS3D, & des spécificités liées aux chaines de valeur complexes en Asie et en Afrique.
Les enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) posent de nouveaux défis pour les entreprises, tant en termes de conformité légale que de réputation. Les risques juridiques et réputationnels associés à ces enjeux évoluent avec la réglementation et l’importance croissante de la transparence pour les parties prenantes (clients, investisseurs, régulateurs, etc.). Voici un aperçu des principaux nouveaux risques liés aux enjeux ESG :
1. Risque de non-conformité réglementaire
De nombreuses législations imposent des exigences strictes en matière de reporting ESG, telles que la directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) ou la Loi sur le devoir de vigilance. Ne pas se conformer à ces obligations peut entraîner :
– Sanctions financières : amendes, suspensions de licence ou interdictions de marché.
– Litiges judiciaires : les ONG, actionnaires et autres parties prenantes peuvent intenter des poursuites si les entreprises ne respectent pas les lois ou engagements ESG.
Exemple : Des entreprises comme Shell ont déjà été poursuivies pour leurs contributions aux émissions de CO2 et leurs impacts sur le changement climatique.
2. Greenwashing (écoblanchiment)
Le greenwashing consiste à présenter des initiatives ou des produits comme plus écologiques qu’ils ne le sont réellement. Cela représente un risque juridique, car les régulateurs et les consommateurs deviennent plus vigilants.
– Plainte pour publicité trompeuse : de plus en plus d’autorités réglementaires (comme l’Autorité de la concurrence en France) surveillent de près les allégations environnementales et sanctionnent les entreprises qui se livrent à des pratiques trompeuses.
– Atteinte à la réputation : les entreprises prises en flagrant délit de greenwashing subissent souvent des dommages durables à leur réputation, entraînant une perte de confiance des consommateurs et investisseurs.
Exemple : En 2021, H&M a été critiqué pour des allégations de durabilité trompeuses sur ses vêtements, conduisant à des enquêtes et des critiques publiques.
3. Risque lié à la chaîne d’approvisionnement
Les entreprises sont de plus en plus tenues responsables des pratiques ESG dans leur chaîne d’approvisionnement. Des violations des droits humains, comme le travail forcé ou des conditions de travail dangereuses, peuvent entraîner :
– Procès et amendes : pour non-respect des réglementations locales ou internationales sur le travail.
– Réputations entachées : en cas de scandale médiatisé lié à des sous-traitants non conformes aux principes ESG.
Exemple : Apple et d’autres entreprises technologiques ont été critiquées pour l’utilisation de matériaux extraits dans des conditions non éthiques en République démocratique du Congo.
4. Risque d’inégalité sociale et salariale
Les entreprises qui ne prennent pas en compte les questions d’égalité (notamment l’égalité des genres et la diversité) peuvent être confrontées à :
– Litiges en matière de discrimination : de la part de salariés ou de groupes de défense.
– Boycotts ou campagnes publiques : les entreprises perçues comme inéquitables peuvent faire l’objet de pressions sociales.
Exemple : Des entreprises comme Google ont dû gérer des scandales liés à des écarts de salaires entre les sexes ou des accusations de discrimination raciale, ce qui a affecté leur image publique.
5. Risque climatique
Les entreprises qui ne tiennent pas compte des risques climatiques dans leurs activités peuvent faire face à des poursuites pour inaction climatique, en particulier dans des secteurs à forte intensité carbone.
– Litiges climatiques : de plus en plus de groupes environnementaux et d’investisseurs poursuivent des entreprises pour leur contribution au changement climatique.
– Perte d’investissements : de nombreux fonds d’investissement (comme les fonds souverains ou ESG) se détournent des entreprises qui ne respectent pas des critères climatiques stricts.
Exemple : de grands producteurs de pétrole ont fait l’objet de recours collectifs pour leur contribution aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.
6. Transparence et données ESG
L’exactitude des informations divulguées dans les rapports ESG devient cruciale. Un manque de transparence ou des données inexactes peuvent conduire à :
– Sanctions réglementaires : des autorités comme la SEC (Securities and Exchange Commission) aux États-Unis exigent des rapports détaillés sur les impacts climatiques et sociaux.
– Perte de confiance des investisseurs : des informations incorrectes ou incomplètes sur les performances ESG peuvent entraîner une baisse de la valeur des actions ou des investissements.
Exemple : La SEC a infligé des amendes à plusieurs entreprises pour des divulgations inexactes concernant les risques climatiques ou leurs initiatives environnementales.
7. Risque de désinvestissement
Les investisseurs institutionnels (comme les fonds de pension, les fonds souverains, etc.) prennent de plus en plus en compte les performances ESG dans leurs décisions. Un mauvais score ESG peut entraîner :
– Désinvestissement massif : les entreprises peuvent perdre l’accès à certains fonds ou être exclues de portefeuilles d’investissements durables.
– Réduction de la valorisation boursière : une perception négative en matière ESG peut se traduire par une diminution de la confiance des marchés financiers.
Exemple : Des entreprises dans les secteurs du charbon ou du pétrole ont vu leur valeur chuter après que des investisseurs ont massivement désinvesti de ces industries à fort impact environnemental.
8. Pressions des parties prenantes
Les consommateurs, employés, investisseurs, ONG et autres parties prenantes exercent de plus en plus de pression sur les entreprises pour qu’elles adoptent des pratiques ESG robustes. Un défaut de répondre à ces attentes peut entraîner :
– Boycotts ou grèves : des consommateurs ou employés peuvent exiger des actions ESG plus fortes.
– Pression médiatique : les médias et les ONG peuvent exposer publiquement les pratiques non conformes.
Exemple : Amazon a fait face à des critiques de ses propres employés pour ses pratiques environnementales jugées insuffisantes, conduisant à une mobilisation interne.
Conclusion
Les risques juridiques et réputationnels liés aux enjeux ESG sont en forte croissance et deviennent de plus en plus complexes. Les entreprises doivent non seulement se conformer aux réglementations locales et internationales, mais également répondre aux attentes croissantes des parties prenantes en matière de transparence, de durabilité et d’éthique. Une gestion proactive des risques ESG devient donc un enjeu stratégique pour la pérennité et la réputation des entreprises.
Président Fondateur d’Affectio Mutandi, cabinet conseil en Vigilance ESG, Impacts RSE & Communications responsables liés, ancien Directeur chez Burson-Marsteller et Associé chez Publicis Consultants, Pierre-Samuel Guedj accompagne depuis plus de 25 ans les entreprises sur leurs enjeux de réputation et de vigilance RSE en France, en Europe et en Afrique.
Il préside par ailleurs la commission RSE&ODD du CIAN, Conseil français des investisseurs en Afrique.